L’OPPOSITION RAILLE, LES SYNDICALISTES EXULTENT

Deux ans après la suppression de ce poste, le chef de l’État, Macky Sall, a annoncé sa volonté de restaurer le poste de Premier ministre, en Conseil des ministres tenu hier mercredi.

« Le Fast -Track s’est transformé en slow-down », raille l’opposant et président du mouvement Alliance générationnelle pour les intérêts de la République (AGIR), Thierno Bocoum. Une façon pour lui de fustiger l’instabilité du poste de Premier ministre. « La constitution n’est pas un jouet. Elle doit être épargnée des calculs politiciens. Rien de républicain ne justifiait la suppression du poste de premier ministre », a-t-il soutenu. Poursuivant, il a déploré que « deux années après la suppression de ce poste, il est impossible d’en évaluer ses dégâts. »

Thierno Bocoum de rappeler que dans deux de ses contributions successives publiées en 2019, avait alerté sur une mesure qui risquait de « laisser place à une centralisation excessive et étouffante du pouvoir. »

L’activiste Guy Marius Sagna embouche la même trompette. « le 04 mai 2019, Babacar Diop, Abdourahmane Sow et moi-même avions été arrêtés devant l’Assemblée nationale car nous manifestions contre la suppression immorale du poste », brocarde-t-il, sur les réseaux sociaux.

Le coordonnateur de Frapp / France dégage motive ainsi sa position : « nous sortions d’une élection présidentielle (2019). Jamais pendant la campagne électorale, le candidat Macky Sall n’avait proposé aux Sénégalais la suppression du poste de Premier ministre. Jamais ! Quelle forfaiture contre le peuple souverain. Clignoter à gauche et tourner à droite devrait être aux candidats aux différentes élections… En annonçant, l’instauration à nouveau du poste de Premier ministre, le président Macky Sall montre ce qu’est pour lui, la Constitution du Sénégal : un torchon qu’il peut hachurer, gommer, changer quand il veut au gré des intérêts bassement politiciens ».

Bonne nouvelle pour les syndicats

Les travailleurs, eux, exultent. C’est une bonne nouvelle pour le Secrétaire général du syndicat des transports routiers du Sénégal, Fallou Samb. Selon lui, depuis mai 2019, avoir un interlocuteur direct était la principale contrainte à laquelle les acteurs du transport étaient confrontés. « Depuis lors, chaque 1er mai, on dépose nos cahiers de doléance, qui n’a pas de suivi. Cette fois-ci, nous avons demandé de rencontrer le président Macky Sall. Parce qu’à chaque fois que nous avons des accords avec le ministre de tutelle, cela n’aboutit pas », a-t-il révélé, sur iRadio.

C’est également une aubaine aux yeux du Secrétaire général adjoint de la CNTS, Lamine Fall. Il confirme que beaucoup de revendications des travailleurs du secteur sont restées lettres mortes, rappelant que les monitorings se faisaient au niveau de la Primature.

Loin de tâtonner, le président Macky Sall sait très bien ce qu’il fait, surtout dans un contexte politique « très évolutif », analyse Djibril Gningne, membre de la société civile, contacté par Emedia. Toutefois, met-il un bémol, « tant qu’on n’a pas encore vu le contenu du projet de loi, on ne peut faire que des hypothèses. »
A ce niveau, décrypte-t-il, d’abord, « la première qui vient à l’esprit, c’est effectivement de requalifier les rapports entre l’Exécutif et le Législatif, en vue d’une meilleure adaptation du Sénégal à un nouvel environnement défini dans le communiqué du Conseil des ministres. »

Ensuite, « la deuxième hypothèse, c’est de se préparer aux prochaines Législatives. Avec le pouvoir de dissolution que le président retrouverait, il pourrait se préparer à mi-mandat à dissoudre l’Assemblée nationale si toutefois l’opposition venait à être majoritaire. »

Enfin, « la troisième, c’est de préparer sa succession simplement. A ce niveau-là, on peut penser au cas ivoirien lorsque Boigny est parti. D’aucun ont pensé que c’était le Premier ministre, qui devait assurer l’intérim et organiser les élections, en l’espèce monsieur Alassane Ouattara. Ce qui a été le cas d’ailleurs au lieu que ce soit le président de l’Assemblée nationale comme dans nos régimes (et) comme c’est le cas actuellement dans notre Constitution. »
El Hadji Gorgui Wade Ndoye, journaliste accrédité aux Nations Unies, décrit « une adaptation heureuse ». Car justifie-t-il, « il n’est jamais bon d’avoir dans une République, un surhomme. Comme il n’est jamais souhaitable d’avoir un faible à la tête d’une République. Nous sommes la société du juste milieu, cela veut dire tout simplement que le chef de l’Etat à qui nous déléguons une partie même de nos pouvoirs, même notre sécurité de vie, ne devrait pas avoir tous les pouvoirs de décider tout seul. En ce moment, il faut toujours avoir un lien ».

Emedia

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