Depuis plusieurs jours, les éleveurs de Gaykadar, dans la commune de Bokké Dialloubé, se sont familiarisés avec un hôte indésirable. Il s’agit de l’épidémie dénommée dermatose nodulaire qui a fini de décimer les espèces bovines dans ce diéri pastoral. Les victimes mettent en cause la conservation des vaccins qui doivent être congelés alors que la localité est sans électricité. Emedia s’est déplacé dans ce village du département de Podor, situé à 55 km de la route nationale.
10h. Un homme vêtu d’un boubou bleu, enturbanné, s’est pointé juste à l’arrêt de Pété. C’est lui qui doit nous conduire à Gaykadar où une épidémie dénommée dermatose nodulaire fait des ravages chez les espèces bovines. Un voyage qui se fera à bord d’une moto. La route est bitumée de Pété jusqu’à Bokké Dialloubé dont le désormais ex-ministre des Finances, Abdoulaye Daouda Diallo, est le maire. Après, c’est une piste à sable, mais devenue avec l’hivernage qu’il faut affronter jusqu’à Gaykadar. Ça roule pendant plus d’une heure. Mais point de village ! Point d’âme ! Point d’animaux dans cette nature verdoyante offerte par une saison pluvieuse généreuse. Après 3 heures de route, enfin Gaykadar se signale par son château d’eau qui ne fonctionne pas encore alors qu’il a été inauguré depuis 2010. Juste à côté, un robinet qui alimente une vingtaine de villages sous peuplés et des poteaux électriques… sans électricité. Ici, la plupart des personnes préfèrent habiter dans les cases, même s’il y a quelques bâtiments en banco couverts de ciments qui alternent « l’architecture ».
L’eau plus chère que le lait
Gaykadar est habité par des Peuls, des transhumants qui se sont sédentarisés dans ce diéri chaud et sec, mais humide grâce au ciel. L’accoutrement est unique : sabador et Thiaya (pantalon bouffant). Le contraste se voit chez les jeunes qui préfèrent la tenue occidentale. Carrefour de l’élevage, à Gaykadar, l’eau est plus chère que le lait, la viande est plus fréquente que le poisson. Loin de la pollution, ici le changement climatique est loin d’être un souci pour les populations. Gaykadar est aussi un lieu de convergence économique où se réunissent, tous les mercredis, tous les commerçants et vendeurs de la zone. La localité dispose d’une école élémentaire, d’un poste de santé mais les évacuations vers Pété se font par charrettes, l’ambulance du village étant tombée en panne. Le tronçon Gaykadar – Bokké Dialloube est une urgence selon les populations.
La dermatose nodulaire, l’hôte indésirable
Situé à 55 km de la commune de Bokké Dialloubé, dans le département de Podor, Gaykadar est une localité connue comme étant un lieu où l’élevage est la principale activité. Ce carrefour de l’élevage a été attaqué ces temps-ci par une épidémie du nom de dermatose nodulaire, une maladie virale qui touche les bovins. Elle est transmise par des insectes hématophages tels que certaines espèces de mouches, de moustiques ou de tiques. Elle se manifeste par la fièvre, l’apparition de nodules ou de bosses circulaires palpables fermes et douloureuses sur la peau autour de la tête, du cou, des pattes, de la queue et des parties génitales. Dans cette partie de la province de Yirlabé, les localités environnantes, y compris Gaykadar, ont subi de nombreuses pertes de leurs bovins.
Manque de confiance à la vaccination
Birane Barro, propriétaire d’un grand enclos de bovins, en a perdu une vingtaine depuis le début de l’épidémie. « L’agent de poste vétérinaire de la localité a envoyé un auxiliaire pour vacciner mes bovins et voilà les conséquences », a-t-il indiqué, suggérant qu’il y a eu des effets secondaires de cette vaccination. Dans ses propos, Birane déclare que les vaccins utilisés par l’auxiliaire vétérinaire n’étaient pas congelés, contrairement donc à ce qui est recommandé. Le spécialiste a préféré ne rien dire car, selon lui, son inspecteur ne lui a pas autorisé à parler. Venu de Thiady Dialloubé pour voir le vétérinaire, Ousmane Hamady Diallo est aussi éleveur, il a perdu beaucoup de bovins. « Les bovins vaccinés sont déjà morts et on ne sait pas ce qui a causé leur décès. Ils se portaient mieux avant d’être vaccinés », a-t-il soutenu. L’agent vétérinaire de l’élevage de Boké Dialloubé Gora Mbodji n’a pas hésité à répondre à nos questions portant sur la maladie qui ne cesse de ravager les bovins, surtout dans cette partie du Diéri. Après avoir expliqué les causes et les manifestations de la maladie, il a déclaré que la plupart des cas sont importés par des bovins qui viennent des régions de Tambacounda et de la zone de Saloum.
Absence d’électricité, vaccins non congelés
Selon M. Mbodji, la mort de certains bovins est causée par le fait que le vaccin n’a pas été congelé et qu’il fallait vacciner avant que la maladie atteigne les bovins. Dans la circonscription qui l’a été mandaté, le vétérinaire confirme qu’il a très tôt alerté, raison pour laquelle les bovins ont été vaccinés à temps et il y a eu beaucoup plus de peur que de mal. Si la dermatose nodulaire a affecté Gaykada et une vingtaine de localités environnantes, cela est dû au manque d’électricité dans ces zones où le vaccin doit toujours être congelé. Son usage également pose problème selon M. Mbodji parce qu’on ne doit l’utiliser qu’une seule fois. La commune de Bokké Dialloubé est gérée par deux vétérinaires mais l’Etat envoie un mandataire sanitaire dans les zones où le cheptel a plus d’importance durant la campagne de vaccination. Pour l’agent Gora Mbodji, les deux vétérinaires de la municipalité peuvent gérer les points focaux du cheptel. Les populations de Gaykada et environs exigent la formation des auxiliaires et invitent l’Etat à mettre de l’ordre dans le milieu de l’élevage. « On n’arrive plus à reconnaître qui est qui et qui fait quoi parce que tout le monde vaccine », alertent les éleveurs.
Amadou Oumar DIALLO (Envoyé spécial Emedia à Podor)