« La vie et la mort , deux sœurs jumelles »(Par Mamadou Bamba Talla)

La vie et la mort sont intrinsèquement liées. L’une ne va pas sans l’autre. En effet, là où il y a la vie, il y aura forcément la mort, un jour. La vie et la mort semblent être deux sœurs jumelles qui se tiennent ensemble, se mélangent de pinceaux de temps à autre, se tiraillent, se battent avec l’ultime énergie du désespoir pour un triomphe qui ne laisse aucune place possible à l’autre. De ce fait, là où il y a la vie, la mort n’est pas, et là où la mort se présente la vie s’efface. En d’autres termes, la vie et la mort, c’est comme la nuit et le jour, c’est-à-dire qu’il faut que l’une disparaisse pour que l’autre se pointe. La vie et la mort sont intrinsèquement liées par le fait même qu’elles empruntent toujours les mêmes tortueux sentiers. En sus de leur cheminement, tantôt parallèle, tantôt perpendiculaire, les deux sœurs jumelles sont tout aussi vieilles que le monde. Elles sont d’une proximité que rien n’égale, et pourtant, nous avons tendance à les opposer comme si elles avaient des frontières extrêmement éloignées. Mais en vérité, elles n’ont même pas de frontière. Il n’existe pas un entre-deux où le corps et l’âme puissent se réfugier, ne serait-ce qu’une seconde, en attendant de savoir le vainqueur qui leur dictera sa loi. Puisqu’il n’existe pas de frontière minimalement tangible entre la vie et la mort, alors passer de vie à trépas et inversement, c’est tout simplement comme changer de fréquence. Nous sommes gouvernés par des ondes que nous ne pouvons pas voir, nous surfons sur des plages horaires et des vibrations qui nous dépassent. Et en passant d’un état à un autre, nous ne sommes plus de l’ordre de la rationalité et de la compréhension spontanée immédiatement appréhendable par les antennes de notre esprit si limité ici-bas… Comprendre la vie, c’est comprendre la mort, et inversement. Ainsi donc, il est une erreur répandue de croire que nous en connaissons assez sur la vie et très peu sur la mort. En vérité, nous ne connaissons presque rien de la vie puisque nous ne savons pratiquement rien de la mort. D’ailleurs, c’est ce qui

justifie nos récurrentes questions du genre « d’où venonsnous ? », « où allons-nous ? » sans compter nos multiples interrogations sur le sens de la vie et du pourquoi des choses qui demeurent jusqu’à ce jour sans réponse tangible. Nous avons tellement délaissé la mort dans nos préoccupations quotidiennes, dans nos quêtes de savoir et de vérité aussi bien que dans nos appétits diurnes au profit de la vie que nous en sommes à fustiger une réalité incontournable de notre essence qui devrait être davantage célébrée que décrier… La mort fait peur, elle est rarement accueillie comme une chance, un repos mérité, un avantage ou un don. Et pourtant nous ne sommes pas loin du compte. Quelle vie de misère et de monotonie aurions-nous eue, s’il nous était impossible de mourir ? La vie éternelle et ses conséquences nous tenteraientelles si cela pouvait être réellement possible et effectif ? Une chose est certaine, nous la sollicitons ardemment parce que simplement nous ne pouvons en aucune façon y accéder de par notre condition humaine. Élucubrer sur l’impossible est parfois agréable, apaisant et rassurant. Nous fantasmons sur une vie éternelle, car chaque instant qui passe nous rappelle ou nous renvoie à notre propre mort, cette mort imminente. Nous sommes tous des condamnés à mort, tout le reste est un problème de procédés. Nous savons tous, et on aura beau divaguer (les subterfuges n’y feront rien), que la mort finira par nous rattraper. Cette réalité qui demeure notre plus grande certitude nous angoisse au plus haut point ; la rencontre entre la mort et notre corps nous terrifie… Pourtant nous sommes à la fois chair et esprit ! Mais hélas, c’est pour notre chair principalement que nous avons peur. Face à la mort, nous nous inquiétons peu pour notre esprit. C’est plutôt notre dégradable chair que nous voulons sauver. Et pourquoi ? C’est probablement parce que nous savons que sauver le corps, c’est sauver l’esprit. Le corps est une charpente et l’esprit une sève invisible. Si la charpente s’affaisse, l’esprit à lui tout seul ne peut se tenir nulle part. La chair est donc ce

coffret par lequel tout est en nous, c’est là que tout résonne et que tout en nous se réalise… En définitive, avec ou sans Dieu, nous sommes persuadé que la mort fait partie de nous. Ainsi mourrons-nous à tous les instants. C’est pourquoi les Latins, avec leur sens de la formule, que nous connaissons tous, nous ont laissé cette si belle phrase : « vulnerant omnes ultima necat ». Ce qui peut se traduire librement de la façon suivante : « toutes les heures blessent la dernière tue ! » D’ailleurs, ne le disais-je pas plus haut que nous sommes tous des condamnés à mort ? Selon moi, en prendre conscience et l’accepter, c’est déjà quelque part et en quelque sorte s’affranchir de la mort et de sa portée sociale… Bref, la mort est fatalité1 pour les esprits simples et simplistes, malchance ou injustice pour ceux qui ne croient qu’aux plaisirs éphémères de ce monde, un monde hélas pas toujours commode. Mais, quel que soit l’angle sous lequel on se place par rapport à la « Grande Faucheuse », il sera difficile de remettre en cause sa nécessité. C’est pourquoi j’ai envie de dire aux miens, à mes amis et à mes frères : « ô gens de Dieu, regrettez-moi, mais de grâce ne me pleurez guère ! En mourant, je ne fais que répondre à mon essence qui est de mourir. »2

Mamadou Bamba Tall Ancien élève du lycée Malick Sall de Louga Ancien étudiant de l’UGB, Sanar 1

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